Le PurEpeautre en cuisine : une question de savoir-faire !
Le PurEpeautre séduit de plus en plus, mais ce produit sain demande un certain doigté pour être bien utilisé. Lors de cours de cuisine initiés par la CI Epeautre et le moulin Kofmel, l’autrice Judith Gmür-Stalder transmet son savoir sur la culture céréalière suisse du PurEpeautre et dévoile quelques astuces.
Des pâtes trop dures ou trop molles et des pains secs et friables ? Pour ne pas en arriver là, le PurEpeautre demande un temps d’apprentissage. « La pâte au PurEpeautre est une vraie diva », déclare Judith Gmür-Stalder qui s’adresse en souriant à la ronde des personnes heureuses de participer à ce cours. La célèbre autrice de recettes connaît bien les défis que les débutant·es doivent relever pour commencer à utiliser le PurEpeautre. « On peut tout faire avec de la farine de PurEpeautre, mais il faut savoir comment s’y prendre », ajoute-t-elle. Ce savoir est décisif pour la confection du pain, mais il existe aussi des plats à base de PurEpeautre dont l’élaboration est moins délicate. « Tartes, gressins ou focaccia, tous peuvent être préparés avec de la farine de PurEpeautre. » Mais intéressons-nous d’abord à la pâte à pain.
L’astuce du prétrempage
La farine de PurEpeautre contient plus de gluten que le blé. Elle présente aussi des propriétés liantes différentes et retient moins l’eau. C’est la raison pour laquelle on obtient un pain compact, sec et cassant, à moins d’ajouter à la pâte ce qu’on appelle de la « farine prétrempée », préparée la veille. Francesca Decurtins de CI Epeautre nous dit comment faire : « Il faut prendre une partie de la farine et la mélanger avec de l’eau bouillante, chauffée entre 98 et 100 °C ». L’eau liée à l’amidon par gélatinisation solidifie la pâte et confère à la mie de pain l’humidité qui permet au produit de conserver sa fraîcheur plus longtemps. « Si l’eau est juste tiède, la gélatinisation sera insuffisante, c’est-à-dire que l’amidon n’aura pas correctement absorbé l’eau », explique-t-elle. Rien qu’avec cette astuce du prétrempage, on obtient déjà un premier résultat surprenant. Une fois refroidie, la farine prétrempée doit dans l’idéal être couverte et placée au réfrigérateur pendant une nuit, avant d’être utilisée avec le reste des ingrédients.
Mélanger, ne pas trop pétrir, puis laisser reposer la pâte
Travailler la pâte au PurEpeautre lorsqu’elle est humide demande un certain doigté. « Ce type de pâte ne doit pas être trop pétri » explique Judith Gmür-Stalder. « Dans un premier temps, il s’agit plus de mélanger les ingrédients que de pétrir, pour ne pas trop modifier la structure des protéines ». Ensuite, on peut pétrir la pâte délicatement à la main ou avec un pétrin à basse vitesse pendant quelques minutes, jusqu’à ce qu’elle devienne élastique. Pour savoir quand arrêter, il faut faire le « test de la vitre » sur un morceau de pâte. « Si le morceau de pâte s’étire bien et qu’on peut presque voir à travers, cela signifie que la pâte a été idéalement pétrie. » Ensuite, le fait de laisser reposer la pâte permet au réseau de gluten, ou « colle végétale », de se former, et aux sucres (les fameux FODMAP) de se dégrader au cours du long processus de fermentation. Cette étape est particulièrement importante pour les personnes qui souffrent du syndrome de l’intestin irritable ou de troubles digestifs. Car, comme l’explique Judith, qui est également diététicienne : « Si la pâte ne repose pas suffisamment, des chaînes entières d’hydrates de carbone arrivent dans le côlon, où elles fermentent et peuvent provoquer quelques désagréments. » Les participant·es échangent des regards éloquents. En fait, beaucoup des personnes présentes se sont aussi inscrites à ce cours par envie de prendre soin de leur santé. Si, comme pour toutes les variétés de céréales, une fermentation longue de la pâte assure une meilleure digestibilité, le fait d’utiliser du PurEpeautre présente d’autres avantages. Le PurEpeautre est également considéré comme un véritable concentré de nutriments et est particulièrement intéressant et digeste grâce à sa teneur élevée en acides aminés essentiels et en minéraux ainsi qu’à sa composition équilibrée en acides gras.
Pousse ou apprêt ? Les deux !
À propos du repos de la pâte : on distingue ici ce que l’on appelle la « pousse », c’est-à-dire le temps de repos qui précède le façonnage du pain et « l’apprêt », dernière période de fermentation qui a lieu après le façonnage mais avant la cuisson. Judith Gmür-Stalder explique : « Le plus simple est de laisser fermenter la pâte levée directement dans le bol de pétrissage, pendant au moins une heure à température ambiante. Pour ce faire, on peut placer le bol dans un sac plastique suffisamment grand, que l’on referme sans serrer ; il se crée alors un microclimat favorable. » Pendant ce temps de levage (pousse), la pâte doit être rabattue trois à quatre fois de la façon suivante : on saisit la pâte à une ou deux mains et on la tire vers le haut. « Ainsi, elle est alimentée en oxygène frais, les fibres de la pâte se collent et la mie devient plus stable lors de la cuisson. » Ensuite, vient le façonnage. Judith Gmür-Stalder nous en fait la démonstration de ses mains habiles, et surprend l’assemblée par ses idées créatives quand vient l’étape de la décoration. Outre les ciseaux, le coupe-pomme, le peigne et le couteau de cuisine, elle utilise également des emporte-pièces pour biscuits et des moules à muffins. Et bien sûr, les participant·es apprennent aussi à tresser la pâte. « Que diriez-vous de faire une boule tressée pour changer ? » Pour cela, il faut former un « hashtag » à l’aide de 4 brins de pâte et tresser ensuite chaque brin autour du centre en tournant dans le sens des aiguilles d’une montre. Puis dans le sens inverse, et ensuite toujours en alternance, jusqu’à ce que les brins soient entrelacés. Replier les extrémités des brins des quatre côtés vers le bas, poser la boule tressée sur la plaque recouverte de papier sulfurisé et laisser la pâte à nouveau lever pendant 15 minutes pour la phase d’apprêt.
Cuire son pain avec des glaçons
La chaleur et la vapeur apportent une note de magie à la cuisson. D’abord la chaleur. « Pour que le développement au four – c’est-à-dire la levée de la pâte dans le four – se fasse de manière optimale, il faut le chauffer à une température vraiment élevée. Après avoir enfourné la miche de pain, on peut réduire la température du four d’environ 20 °C ». Cela varie légèrement en fonction du type de four. Mais de cette manière, les bulles de gaz se dilatent bien, ce qui signifie que le pain lève. Parlons à présent de la cuisson à la vapeur, avec le fameux « coup de buée », qui permet de dégager de l’humidité. Cette humidité se dépose sur la surface rugueuse de la pâte et empêche le pâton de former trop rapidement une croûte dure. « On obtient ainsi un pain plus aéré, qui se déchire de manière plus contrôlée et avec une très belle grigne », s’enthousiasme Judith Gmür-Stalder. Pour apporter de l’humidité dans un four ménager standard, il existe de nombreuses possibilités, que ce soit avec un bol d’eau, un vaporisateur ou tout simplement la fonction vapeur du four. Judith Gmür-Stalder nous dévoile sa technique : « Pour ma part, j’utilise des glaçons ! » Elle met trois ou quatre glaçons sur une plaque à tartes qu’elle glisse sous le pain sur le rail inférieur du four. « Ainsi, l’eau peut s’évaporer et rien ne tombe à côté. Au bout d’une dizaine de minutes, j’ouvre la porte du four et je laisse la vapeur s’échapper. Ensuite, il suffit de terminer la cuisson à chaleur sèche. »
Et maintenant, place à la pratique
Assez de théorie, il est maintenant temps pour nous aussi de mettre la main à la pâte. Nous nous exerçons à manipuler la pâte humide, à la tresser et à la façonner – et nous découvrons de nouvelles recettes. Comme nous l’avons indiqué au début, le PurEpeautre convient non seulement pour le pain et les pâtisseries, mais aussi pour de nombreux plats. Notre menu : des gressins à l’apéritif, une focaccia de chou rouge et un kernotto au fenouil et aux champignons en plat principal, avec pour finir, une tarte aux pommes accompagnée de crème fouettée en dessert. Sans oublier les conseils de Judith Gmür-Stalder. Pour la pâte à tarte, elle recommande par exemple de poser le moule à tarte directement sur la plaque chaude du four préchauffé. « Cela permet d’obtenir un fond de tarte bien croustillant ! » Pour la focaccia, il faut respecter la règle d’or du PurEpeautre : « pétrir la pâte en douceur et pas trop longtemps ». La pâte levée peut être aplatie à la main directement sur la plaque. Le kernotto est une sorte de risotto à base de PurEpeautre, dont la couche extérieure du grain a été polie. « Le plat a l’air si sain qu’il peut freiner les amateurs de la version traditionnelle », explique Judith Gmür-Stalder, qui sait de quoi elle parle en tant que mère de trois enfants, aujourd’hui adultes. « Mais, en général, ceux qui y goûtent sont agréablement surpris. » Le kernotto se prépare comme un risotto, mais il ne risque pas d’être trop cuit et peut être facilement réchauffé. Pour les gressins, on ajoute un peu d’huile à la pâte levée avant de la pétrir et, après le pétrissage, on incorpore selon les goûts d’autres ingrédients finement hachés comme des tomates séchées, des câpres ou du lard cru. « Les gressins peuvent être conservés dans un endroit frais et sec pendant trois à quatre semaines ».
Rassasiés mais toujours avides de connaissances
Pendant que nous goûtons les plats et discutons de ce que nous préférons, les pains cuits au four refroidissent en dégageant une délicieuse odeur. Nous recevons des paniers garnis à déguster à la maison, ainsi qu’un livre de cuisine PurEpeautre Créations du four* dédicacé par Judith Gmür-Stalder et un paquet de farine d’épeautre du moulin Kofmel. La boucle est bouclée. Car nos délices gustatifs trouvent leur origine dans la matière première. Christian Kofmel, qui est resté en retrait pendant le cours, exploite le moulin avec son frère Daniel, et ce depuis quatre générations déjà. Leur exploitation est diversifiée. En effet, ils ne se contentent pas de travailler des céréales panifiables comme du blé, du seigle et du PurEpeautre, mais exercent également en tant que centre collecteur et producteur d’aliments pour animaux. Le PurEpeautre occupe toutefois une place particulière, car nous proposons toutes les prestations possibles, de la réception à la mouture et à l’emballage, en passant par le corroyage. Chaque année, environ 700 tonnes de PurEpeautre sont transformées en produits les plus divers, parmi lesquels la farine de PurEpeautre, claire, foncée ou complète, mais aussi des pâtes et du kernotto. Christian Kofmel confie : « La clientèle du moulin est souvent curieuse de savoir si nous avons quelque chose de spécial à lui proposer. Cela nous incite aussi à développer de nouveaux produits. » Ainsi, il est à la fois concepteur de produits, vendeur et spécialiste marketing. « Une entreprise familiale typique, riche de toutes ses individualités. » Mais ce qui lui plaît le plus, c’est le fait de travailler avec un produit naturel, qui pousse pour ainsi dire devant sa porte. Les échanges avec les agriculteurs sont très étroits et il est toujours fier de pouvoir montrer ce qui a été produit à partir de leurs céréales. « Je suis tout simplement ravi de faire partie de cette chaîne de création de valeur régionale. »
Dernier conseil
Ravis, nous le sommes tout autant, nous, les participantes et participants, qui quittons le cours de cuisine PurEpeautre en ayant fait le plein de délicieuses spécialités boulangères, et surtout de connaissances et d’inspiration pour pouvoir les reproduire nous-mêmes à la maison. Mais avant notre départ, Judith Gmür-Stalder tient à nous donner un dernier conseil : « Passez derrière les fourneaux en ayant un état d’esprit positif et, si possible, veillez toujours à travailler votre pâte dans une bonne ambiance. Car ce que vous mettez dans votre pâte se ressent toujours, que ce soit en bien ou en mal », sourit-elle en nous souhaitant beaucoup de plaisir à la tâche.
Qu’est-ce qui se cache derrière le « PurEpeautre »?
La marque PurEpeautre (en allemand UrDinkel) a été déposée en 1996 par la Communauté d’intérêt Suisse pour la promotion de l’épeautre (CI Epeautre) et son utilisation est régie par un cahier des charges très strict. PurEpeautre désigne donc exclusivement d’anciennes variétés d’épeautre suisse qui ne sont pas croisées avec du froment (Oberkulmer Rotkorn ou Ostro), cultivées exclusivement dans le respect des directives écologiques d’IP-Suisse ou de Bio Suisse dans les régions ancestrales et dans la zone d’influence directe de moulins à roues traditionnels. L’appellation PurEpeautre (UrDinkel) est la garantie d’avoir un produit non croisé : seules des traces de céréales étrangères sont tolérées, max. 0,9 %. Le respect du cahier des charges est strictement contrôlé et certifié à tous les niveaux.
travaille comme styliste alimentaire et rédactrice de recettes pour différents magazines. Elle est également diététicienne, animatrice de cours et autrice de livres. Elle vit avec son mari à Sumiswald et a trois enfants, aujourd’hui adultes. Elle aime expérimenter et s’inspire volontiers de la nature et de la culture d’autres pays pour ses créations culinaires. Elle a reçu plusieurs prix pour ses livres.