Porte-drapeau du canton de Fribourg
Elle est sur toutes les tables de la Bénichon et s’impose désormais toute l’année sur l’étals des boulangers. Elle s’invite dans les recettes des grands chefs et des blogueurs. Les touristes découvrent aussi cette spécialité avec délice.
Il y a eu le Gruyère, le Vacherin Fribourgeois et la Poire à Botzi. La Cuchaule est venue rejoindre en 2018 ces spécialités estampillées du très convoité sigle AOP dans le registre des produits savoureux dont le pays de Fribourg peut s’enorgueillir. Elle a depuis été rejointe par le fameux Jambon de la Borne AOP et le Boutefas AOP en 2021. Pour mémoire, un produit AOP est entièrement élaboré dans sa région d’origine, depuis la production de sa matière première jusqu’à sa réalisation finale.

La recette de cette brioche aux effluves safranés est donc scellée par le cahier des charges des AOP depuis 2018. Farine, lait, beurre et œufs doivent avoir une provenance fribourgeoise. La mouture du froment cultivé à Fribourg est tolérée à Granges-près-Marnand (VD). Le sel et le sucre doivent être suisses. Il n’y a par contre pas de restriction quant à la provenance du safran. Tout est réglé comme du papier à musique dans le fameux cahier des charges, de l’origine et du grammage des ingrédients, jusqu’à la forme en demi-sphère et au temps de cuisson de la brioche qui doit afficher une couleur extérieure dorée à brune et une mie jaune safranée. Les Cuchaules AOP doivent porter des pastilles d’identification. Pour pouvoir acheter ces logos comestibles, les membres de l’interprofession doivent se soumettre à un processus de certification auprès de ProCert. On en compte une cinquantaine à ce jour dans le canton, alors qu’ils n’étaient que vingt-quatre en 2018.
Une histoire ancienne
Comme nous le rappelle l’ouvrage Chantons, dansons, bénichonnons, paru aux éditions La Sarine, la cuchaule est connue depuis fort longtemps. La plus ancienne attestation du mot cuchaule rencontrée à ce jour date de 1558. Son nom vient du patois «kûchola». Il n’est pas certain que cette brioche, connue pour son subtil goût de safran, ait toujours été confectionnée avec cette fameuse épice, même si au XVe siècle les apothicaires de Fribourg en vendaient aux familles aisées. En 1947, le manuel officiel de l’École ménagère du canton propose d’ailleurs de remplacer le safran par du citron, bien moins onéreux.
Des ventes en hausse grâce à l’AOP
Depuis son intégration dans le cercle prestigieux des AOP, la Cuchaule a vu ses ventes prendre l’ascenseur. Selon les dernières statistiques publiées en juin 2024, malgré l’inflation entraînant une hausse significative des coûts liés à sa fabrication, et donc inévitablement une augmentation de son prix, la Cuchaule AOP a connu une année record en 2023. En comparaison avec les ventes d’il y a 5 ans, l’Interprofession a constaté une augmentation de plus de 30% de ventes en kilogrammes en 2023. Le nombre de pastilles AOP distribuées aux sites de production certifiés, plus d’un million en 2023, est un bon indicateur du volume de production de la Cuchaule AOP.

Toute l’année
Par le passé, la cuchaule se consommait principalement à l’occasion de la Bénichon, une fête traditionnelle fribourgeoise, célébrée à l’automne. Aujourd’hui, on s’en délecte toute l’année, et pas seulement le dimanche. Les Cuchaules AOP, en particulier les minis, sont présentes sur les étals des boulangers tout au long de la semaine aux côtés des croissants et de la tresse. Boulanger dans la petite bourgade de Grandvillard en Gruyère, Samuel Oberson est fier de sa Cuchaule AOP qui a remporté 96 points à la 6e évaluation cantonale en 2024, se classant 2e ex aequo aux côtés de 2 boulangeries de Bulle et de Plaffeien, juste derrière la Bäckerei Buchs de Jaun qui s’est classée 1ère avec 98 points. Pour Samuel Oberson, bien que le cahier des charges soit le même pour tous, le savoir-faire du boulanger est primordial pour la qualité du produit fini. En tout cas, ses clients, locaux ou touristes, en sont friands. « Nous en proposons toute la semaine, même si le gros de nos ventes se déroule le week-end. »

Un produit phare pour les touristes
L’Interprofession de la Cuchaule AOP contribue grandement à la notoriété de cette spécialité, par sa présence dans des foires, à l’instar du Salon Suisse des Goûts et Terroirs, qui se tient à Bulle chaque année, et où le palmarès des meilleures Cuchaules AOP est dévoilé en public. La fameuse brioche est présente également sur le site de Gruyère Tourisme et dans des brochures distribuées aux touristes. L’an dernier, on pouvait aussi la voir sur les bus des transports publics fribourgeois. Une promotion qui porte ses fruits.
Comment la déguster
La célèbre brioche est au menu de tous les Fribourgeois à la Bénichon. On la déguste traditionnellement avec du beurre et de la moutarde de Bénichon, confectionnée avec du vin blanc, du vin cuit, de la moutarde et des épices. Elle est présente lors des manifestions sur les buffets, agrémentée de beurre, de moutarde, de chou et de Jambon de la Borne AOP, ou encore de saucisson, et parfois de foie gras.
Elle a su aussi se frayer un chemin dans les cuisines d’établissements réputés du canton et même au-delà, contribuant à sa belle notoriété. Pierrot Ayer, chef étoilé du restaurant Le Pérolles à Fribourg, la propose en mini hamburger au foie gras et au Vacherin Fribourgeois AOP. Stéphane Décotterd, né à Billens non loin de Romont, aux commandes aujourd’hui de la Maison Décotterd à Glion (VD) – un établissement étoilé qui travaille exclusivement les ingrédients régionaux et locaux – la magnifie en beignet agrémenté d’une gelée à la moutarde de Bénichon et d’une pointe de fleur de sel des Alpes. Souvent, les chefs la fabriquent eux-mêmes. L’Interprofession les invite à se faire certifier.

Le site internet de l’Interprofession de la Cuchaule AOP regorge d’idées de recettes plus ou moins faciles à réaliser (https://www.cuchauleaop.ch/fr/recettes-a-base-de-cuchaule-aop) qui subliment la brioche fribourgeoise, soit en accompagnement, soit en l’intégrant dans des mets plus sophistiqués.
