Le succès d'une céréale ancienne
Brigitte et Werner Thommen cultivent le PurEpeautre. Leur «Kernotto» est un produit primé que même les grands chefs cuisiniers apprécient. Pourtant, il y a quelques années, cette ancienne variété de céréales a failli disparaître entièrement du paysage agricole.
L’épeautre, une céréale ancienne, était très répandu dans l’Antiquité et occupait une place particulièrement importante dans l’agriculture. C’est au XIXe siècle, à l’ère industrielle, que la mécanisation, les nouveaux moyens de production et la sélection des céréales permirent d’accroître la productivité. Le blé, une céréale prospère et peu exigeante, se répandit de plus en plus, alors que l’épeautre, après avoir dominé la culture céréalière pendant plusieurs millénaires, tomba quasiment dans l’oubli. On continua toutefois à le cultiver dans les régions défavorables à la culture intensive. Particulièrement résistant, il est en fait parfaitement adapté à la culture biologique. La communauté d’intérêt Epeautre cherche à promouvoir la culture d’anciennes variétés d’épeautre en Suisse. Elle octroie la marque PurEpeautre à des produits issus d’anciennes variétés d’épeautre suisses non croisées avec le blé. Les producteurs de PurEpeautre s’engagent, dans le cadre de leur activité, pour la préservation de ces anciennes variétés de céréales et produisent des spécialités écologiques et régionales de grande qualité.
Des vaches allaitantes au PurEpeautre
La famille Thommen s’y emploie d’ailleurs avec succès. Werner a grandi dans l’ancien moulin du village d’Eptingen BL. Jamais il n’aurait imaginé que lui-même, un jour, exercerait le métier de meunier. En 1969, l’exploitation familiale du village dut céder sa place à la nouvelle autoroute. La famille Thommen reçut alors, en compensation, le terrain sur lequel elle vit et travaille aujourd’hui. Depuis 1991, l’exploitation agricole est axée sur la culture biologique. En 2012, elle fut reprise par leur fille Anita et son mari Christian, lesquels passèrent, en 2016, de la production de lait à l’élevage de vaches allaitantes. Brigitte et Werner se consacrent aujourd’hui entièrement à la transformation et à la vente de produits à base de PurEpeautre.
Les consommateurs apprécient les produits à base de PurEpeautre de la famille Thommen. (© usp)
Trois moulins en service
Le hasard, bien plus que l’idée d’adopter une stratégie de différenciation, les a poussés à se lancer dans la culture de l’épeautre. En effet, en 2006, inspirée par les propriétés bénéfiques que l’on prêtait à cette variété ancienne de céréales, la famille Thommen s’essaya à une production expérimentale. La demande étant satisfaisante, elle développa cette activité et acheta un petit moulin. En 2010, celui-ci ne suffisant déjà plus pour venir à bout de la grande quantité de céréales, il fallut acquérir un moulin plus gros, permettant le corroyage (écossage). Le troisième moulin, quant à lui, entra en service en 2013. La communauté d’intérêt Epeautre (CI Epeautre) leur offrit en outre la possibilité de proposer leurs produits dans la boutique en ligne de l’organisation. Cette collaboration contribua fortement au succès de leur production d’épeautre, laquelle était alors commercialisée sous le label PurEpeautre.
Couvrir toute la demande
Très vite, la production de l’exploitation ne suffit plus à couvrir toute la demande. C’est pourquoi, le moulin à pierre Thommen transforme aujourd’hui les céréales de différents producteurs de PurEpeautre. En 2013, les produits à base de PurEpeautre de la famille Thommen enregistrèrent un nouveau succès: leur «Kernotto au PurEpeautre» remporta en effet la médaille de bronze au Concours suisse des produits du terroir. Depuis, le Kernotto, grains d’épeautre se préparant comme un risotto, est utilisé et apprécié dans différents restaurants gastronomiques et par de grands cuisiniers, notamment Nenad Mlinarevic, élu cuisinier de l’année en 2016. En 2015, les Thommen poursuivirent sur cette lancée et furent récompensés par la médaille d’or au Concours des produits du terroir.
Une véritable passion
Les succès s’enchaînent. C’est du moins l’impression laissée aux visiteurs de la ferme Dangern. Mais derrière ces résultats se cachent beaucoup de travail et une grande passion. Lorsque Werner Thommen a semé du PurEpeautre dans ses champs pour la première fois, beaucoup se sont montrés sceptiques. Aujourd’hui, même si la réussite prouve qu’il avait raison, celle-ci ne s’est pas faite toute seule: il a fallu accepter le risque encouru, faire preuve de ténacité, et pouvoir compter sur le soutien de la famille. Les quatre filles de Brigitte et Werner Thommen souhaitent d’ailleurs reprendre le moulin à pierre et écrire un nouveau chapitre de l’histoire à succès des produits PurEpeautre. Enfin, il ne faut pas oublier que la ferme bio a également beaucoup profité de sa collaboration avec la CI Epeautre: les campagnes de communication et la vente en ligne ont permis à la famille Thommen de se consacrer entièrement à la production et à la transformation des produits.
| Le «PurEpeautre», une histoire à succès
En 1900, l’épeautre était encore la principale céréale panifiable cultivée en Suisse. Puis, il a perdu en importance, les agriculteurs misant de plus en plus sur le blé plus prospère. Le niveau de production le plus bas fut atteint en 1993, avec une récolte de 5000 tonnes pour une surface cultivée de 1000 hectares. Deux ans plus tard, des agriculteurs et des meuniers fondèrent la CI Epeautre, afin de relancer cette céréale ancienne. Ils créèrent la marque «PurEpeautre» et encouragèrent la culture d’anciennes variétés suisses d’épeautre pur. Aujourd’hui, les produits à base d’épeautre, tel que le pain, les pâtes ou les biscuits, ont réinvesti les rayons des magasins. Les ventes, les surfaces cultivées et le nombre de producteurs progressent à nouveau, et ce, depuis plusieurs années. Bio-Hof und Steinmühle Thommen, Dangern 131, 4458 Eptingen |
