A propos des boulangers et du pain idéal
De la farine, de l’eau et un agent levant – c’est la simplicité des ingrédients qui fascine Urs Röthlin, maître boulanger. A l’Ecole professionnelle Richemont, lui et ses collègues tentent de trouver la recette de pain idéale.
Urs Röthlin, maître boulanger, fleure son plan de travail et s’empare d’un morceau de pâte. Il la frappe alors de la paume de sa main pour en faire sortir le gaz. Puis, il la plie soigneusement en deux, la retourne, et la replie une nouvelle fois avant d’appuyer légèrement sur ses deux extrémités. La pâte est alors soigneusement étirée jusqu’à obtenir la forme d’une baguette. Enfin, il la dépose sur la plaque de cuisson.
La pâte est soigneusement étirée. ((Photo: Thomas Mauch)
La pâte vit
Pour Urs Röthlin, la pâte à pain est une entité vivante qu’il convient de traiter avec respect. Elle requiert un savoir-faire artisanal exercé avec le plus grand soin et la maîtrise de ce qui convient ou non à la pâte. Urs Röthlin est minutieux: il mesure constamment la température de la pâte pour qu’elle fermente de manière optimale. Et lorsqu’il utilise du levain, il contrôle son pH à l’aide d’un appareil électronique.
Le maître boulanger Urs Röthlin contrôle la température de la pâte. ((Photo: Thomas Mauch)
Les experts en pain venus du lac
Un artisanat exercé avec une précision presque scientifique – cela se reflète dans l’atmosphère régnant sur son lieu de travail. L’Ecole professionnelle Richemont est située dans un bâtiment fonctionnel en périphérie de Lucerne. Une rue seulement la sépare du lac des Quatre-Cantons. L’atmosphère conviviale du restaurant installé au rez-de-chaussée contraste avec l’aménagement fonctionnel et professionnel des salles de production et de formation du premier étage.
L’Ecole professionnelle Richemont à Lucerne ((Photo: Thomas Mauch)
Le combat des levures
Urs Röthlin et son équipe de dix personnes sont ici responsables de la formation continue des boulangers et boulangères: «Tout ce qui a trait à la levure ou le levain s’inscrit dans mon domaine de compétence», résume-t-il. D’ailleurs, il bénéficie ici de deux qualités non négligeables: il aime travailler avec les gens et il est fasciné par les processus biologiques et chimiques qui s’opèrent entre les ingrédients. «On assiste à un véritable combat entre les bactéries et les levures», raconte-t-il par exemple lorsqu’il décrit le début de la fermentation d’un levain. Pour la plupart d’entre nous, la farine et l’eau sont des ingrédients exempts de vie. Pour Urs Röthlin en revanche, ils sont les acteurs d’un processus de développement fascinant. Comprendre ces processus permet de les concevoir, de les modifier et de les améliorer – avec toujours en tête l’objectif de créer le pain parfait.
Après 35 minutes de cuisson, les baguettes au levain sont prêtes à être dégustées. ((Photo: Thomas Mauch)
Pour une baguette encore meilleure
Le pain parfait reste toutefois un objectif quasiment irréalisable car, ici aussi, la nature a son mot à dire. Mais c’est aussi cela qui incite la maître boulanger à s’aventurer sur de nouvelles voies. Fort de ses compétences artisanales et de ses connaissances sur les matières premières, il ne cesse d’expérimenter – actuellement, il est par exemple à la recherche de nouvelles méthodes permettant d’optimiser la baguette au levain. En tant qu’amateur, nous considérons vraisemblablement la baguette comme un produit abouti. Pour Urs Röthlin, il est encore possible de faire mieux. Que se passe-t-il quand on modifie la durée de pétrissage? Avec quelle force faut-il pétrir la pâte? A l’Ecole professionnelle, on expérimente pas à pas, on teste, on rejette des idées et on réessaie: avec système, curiosité et patience.
Urs Röthlin explique l’alvéolage de sa baguette (photo: Thomas Mauch)/small>
Un pain qui crée l’enthousiasme
D’ailleurs, pour Urs Röthlin, la patience est un élément déterminant. Quelle est la chose la plus importante pour obtenir un bon pain? «Le temps», répond-il sans hésiter. Il travaille très souvent avec des pâtes nécessitant à fermentation longue. Parfois, il les laisse reposer une nuit entière ou 24 heures. Et la préparation de ses levains prend trois à quatre jours. Mais cela en vaut la peine: à partir de farine, d’eau et de sel, il obtient un pain léger et moelleux – finement alvéolé, comme il l’aime, avec une brillance et un croustillant optimaux. Même après 20 ans d’activité, Urs Röthlin semble toujours aussi fasciné par son travail: avec des ingrédients extrêmement simples, on crée un aliment qui accompagne et nourrit les hommes depuis des millénaires. Et quiconque goûte l’une de ses baguettes au levain tout juste sorties du four ne manquera pas de partager son enthousiasme.