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Sur les traces de Chäs und Brot («Fromage et pain»)

Un hameau légendaire appelé «Chäs und Brot» et dont le nom est effectivement tout un programme. Et ce, depuis 1339.

Un paysage magnifique au contexte historique fascinant: voilà ce que l’on trouve non loin de Berne, sur la route en direction de Riedbach/Frauenkappelen à Oberbottingen (BE).

Marlies Keck

Une bonne douzaine de maisons le long de la Bottigenstrasse; quelques exploitations agricoles dont les champs offrent une vue imprenable sur les collines du Mittelland; qui pourrait imaginer que ce lieu ait pu être le théâtre d’un événement social très particulier ou d’un moment capital. Presque rien, si ce n’est un arrêt de bus dont le nom «Chäs und Brot» peut sembler bien étrange.

Pour Peter Freudiger, l’un des quelque 30 habitants de ce petit hameau aux allures insignifiantes, ce nom évoque indéniablement une hospitalité historique. «Lors du jour le plus long, le lundi 21 juin 1339, la bataille de Laupen a eu lieu sur le Bramberg. Selon une légende, la coalition helvétique a suspendu sa marche ici et les hommes se sont faits ravitailler en fromage et en pain par les paysans de la région.» Il semble, en outre, que cet endroit ait été choisi intentionnellement, si l’on considère qu’il est à deux heures de marche de Berne.

En effet, on craignait que le vin et les femmes ne puissent avoir pour conséquence une perte considérable d’énergie, mais surtout de temps. «Dès lors, cette région a tout simplement été appelée «Chäs und Brot». Les troupes bernoises ayant ainsi pu reprendre leurs forces, elles ont finalement battu l’armée de la noblesse burgonde, laquelle avait pour mission d’empêcher Berne d’étendre sa puissance».

Es Waldfescht, bitte!

Même si aucune trace des troupes ne subsiste aujourd’hui, la tradition hospitalière de la région est restée bien vivante. «A Chäs und Brot, nous n’avons certes ni bistrot, ni auberge, mais nous avons de précieuses exploitations agricoles chez lesquelles on peut parfaitement se restaurer ou s’approvisionner en pain, pâtisseries, œufs, viande et légumes directement chez le producteur.» Retraité depuis environ 2 mois, Peter Freudiger habite depuis plus de 20 ans dans le quartier avec sa femme Marlise. Tous deux avouent apprécier et soigner l’esprit de voisinage. «Ici, nous nous complétons mutuellement. Chaque week-end, notre voisine nous apporte une tresse faite maison en guise de remerciement pour certains travaux que nous effectuons pour elle». Quelle que soit l’occasion, qu’il s’agisse des répétitions de la chorale d’hommes, des exercices de pompier ou de la fête du quartier, le fromage et le pain sont toujours de la partie. «Ma femme aime tellement le pain qu’elle ne mangerait que ça. Et quiconque commande ce que l’on appelle un «Waldfest» dans les restaurants du coin situés de l’autre côté de la Singine, se voit servir tout un menu composé de cervelas, de pain et de bière».

L’origine du drapeau suisse

Que le nom «Chäs und Brot» provienne effectivement de l’histoire de la bataille de Laupen, ou qu’il s’agisse, comme le prétend le dictionnaire des noms de lieux du canton de Berne, «d’un surnom donné à une petite colonie paysanne au rendement plutôt faible», pour Peter Freudiger, cela n’a pas d’importance. Quoi qu’il en soit, l’histoire est belle. Et elle ne s’arrête pas là d’ailleurs. En effet, on raconte également que le drapeau suisse aurait été créé à Chäs und Brot. «A l’époque, une femme aurait déchiré des draps pour coudre des bandes en forme de croix sur les chemises des guerriers, afin de distinguer les amis des ennemis.» Peut-être cette histoire est-elle à l’origine de sa passion pour les drapeaux. «Les drapeaux et les bannières sont fascinants. Lorsque, pour mon cinquantième anniversaire, mes amis m’ont demandé de choisir entre un voyage et un drapeau, j’ai opté pour le drapeau!» Depuis, celui-ci flotte fièrement dans son jardin. Et pour nous, il n’y a rien de plus beau que cet hommage à nos ancêtres. A l’occasion de notre visite, nous mordons avec grand plaisir dans un morceau de pain bernois accompagné de fromage provenant du Milch-Lädeli (laiterie) situé à quelque 200 mètres de Chäs und Brot.

Pain bernois ou pain paysan – parfaits pour accompagner le fromage et le vin

La forme ronde incarne parfaitement le flegme caractéristique de la région bernoise, alors que la longue fissure dorée du pain bernois symbolise la fertilité du sol. Le pain paysan traditionnel est préparé à partir de levain. En raison de son goût rustique et typé, les bernois le décrivent comme un pain «chüschtig» (dialecte bernois signifiant de bon goût). Ces deux pains accompagnent parfaitement les fromages bien faits et corsés, tels que le Försterkäse de Toggenburg, lequel se distingue par ses tanins agréables en bouche et ses notes saumurées, typiques des fromages à pâte lavée. Celui-ci s’harmonise parfaitement avec une syrah du Valais aux arômes boisés. Elevé en fût de chêne, les tanins souples mais puissants lui confèrent un bouquet corsé et agréablement fruité aux fines notes de vanille. En Guete!